Des organisations et des chevaux

La période que nous traversons actuellement démontre un véritable sujet de transformation dans nos organisations et de fait dans le recrutement. C’est l’heure au changement avec de nouvelles générations au travail imposant une vision plus authentique et humaine de nos relations.

Mais paradoxalement, les entreprises intensifient leurs exigences dans la recherche de leurs talents. Face à un environnement changeant et évolutifs, les collaborateurs en entreprise doivent allier leurs compétences techniques tout en valorisant leurs compétences comportementales (soft skills) permettant de faciliter les échanges professionnels dans une logique de performance collective.

C’est alors que depuis quelques années, nous voyons l’émergence de nouvelles formations au management en entreprise. Mais, peut-on aujourd’hui mesurer l’efficacité et l’impact positif dans la durée de ces formations en salle ?

Ainsi, depuis quelques années, de nouveaux courants de pensée ont envahi les entreprises en laissant la place aux émotions dans les organisations. Daniel Goleman[1], chercheur et auteur du livre « L’intelligence émotionnelle » a bouleversé nos mentalités intégrant ainsi l’importance d’une corrélation entre intelligence cognitive et intelligence émotionnelle comme facteur influençant nos comportements.

Sa thèse de recherche s’inspire également des premiers travaux faits par les chercheurs Solovey et Meyer. Ce sont, d’ailleurs, les premiers à apporter une définition sur l’intelligence émotionnelle (IE). Ils la définissent comme étant « la capacité à percevoir l’émotion, à l’intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre les émotions et à les maîtriser afin de favoriser l’épanouissement personnel. » Leurs travaux ont apporté une véritable prise de conscience collective dans nos approches managériales.

Aujourd’hui, un manager doit savoir faire preuve d’agilité et de leadership authentique afin de s’adapter à des environnements flexibles, changeants et savoir fédérer des équipes aux personnalités et cultures multiples.

Pour les accompagner, de nombreuses formations en développement personnel et en coaching ont vu le jour. Cependant, certaines de ces démarches semblent être remise en cause démontrant une approche trop théorique et pas assez tournée sur l’expérientiel.

Parallèlement, un rapport commandé par le ministère du Travail, accuse, selon l’Expansion Management Review[2] (septembre 2012), « les grandes écoles de produire des technocrates émotionnellement déficients, incapables d’un leadership empathique. »

C’est alors que certaines écoles de commerce, dont la première est Grenoble Ecole de Management, suivi ensuite par l’ESCP et HEC, développent une formation expérientielle par le prisme du cheval afin de favoriser un leadership naturel et renouer avec sa communication non verbale. C’est l’équicoaching ou le coaching assisté par le cheval.

Si le cheval pousse la porte des écoles de commerce, il met également un premier sabot dans les entreprises afin de former les cadres dirigeants au management. Dans cette approche, le cheval est utilisé comme miroir de nos émotions et révélateur de notre identité (consciente et inconsciente). Avant l’équicoaching, le cheval a d’abord reconnu son efficacité comme bienfaiteur dans des activités autour de la médiation équine (ou équithérapie) se définissant comme un « art de soigner l’esprit par la médiation du cheval. » (Institut de la formation en équithérapie).

Si le cheval a su démontrer de son efficacité à travers une validité scientifique (discipline reconnue en France depuis une dizaine d’années maintenant) alors pouvons-nous douter de sa pertinence dans le monde organisationnelle ?

Aujourd’hui, nous ne disposons pas d’études empiriques (ou très peu) sur le sujet mais par l’expérience et les témoignages, l’ensemble des retours se montre très positif. Si le média cheval peut être utilisé comme coach de nos organisations alors son approche ne pourrait-elle pas être dupliquée et adaptée à un nouveau concept de recrutement ?

Le recrutement serait alors vécu comme une expérience humaine inédite, surprenante et authentique (sans biais) et un excellent moment de proximité (créateur de lien) entre un talent (pénurique) et un employeur. Le message envoyé au candidat serait, de fait, extrêmement positif.

Le cheval pourrait alors devenir le point de convergence à l’ensemble des autres dispositifs de recrutement (intelligence artificielle, humaine et animale) et verrouiller le lien social signe d’engagement authentique et réciproque entre talents et entreprise.

Si le lien de subordination naît à la signature du contrat de travail au sens du Droit du travail, la relation d’attachement (émotionnel) entre un salarié et son entreprise commence bien en amont du jour de son intégration. Considérons le process de recrutement comme le commencement de l’expérience salarié (et même encore avant) alors autant que celle-ci soit positivement surprenante.

L’IMAGE ICONIQUE DU CHEVAL

Animal totémique, dans l’esprit de l’homme, le cheval occupe une place symbolique de premier plan depuis des millénaires. Il occupe une place centrale dans sa relation à l’homme et des représentations qu’il en a.

Fidèle compagnon, nous le retrouvons représenté aussi bien dans l’art préhistorique qu’à travers de portraits équestres de figures royalistes ou d’empereurs (symbole de pouvoir).

Animal mystique, le cheval semble avoir traversé le temps et même franchi l’au-delà (symbole chamanique). Il se montre toujours fidèle à l’homme (malgré les barbaries humaines), pour ne former plus qu’un (l’invisibilité du corps de l’homme à cheval). Goethe écrit au XVIIIe siècle : « Ici au manège, l’homme et l’animal ne font qu’un, au point de ne pouvoir distinguer lequel des deux est effectivement en train de dresser l’autre. »

En diachronie, sa relation à l’homme a considérablement évolué : d’abord utilisé comme nourriture, le cheval est ensuite considéré comme véritable guerrier lors de grands combats. Progressivement, il permet à l’homme de progresser en l’utilisant comme outil technique dans les champs pour le monde paysan ou en période industrielle. Par ailleurs, il fut longtemps l’ancêtre de nos voitures (à chevaux) actuelles. Dès lors, son utilisation se recentre sur nos loisirs dans le sport ou encore dans le spectacle équestre.

Depuis peu, il est reconnu, d’une part, comme notre maître enseignant, symbole de sagesse et de charisme, à la formation de leaders au sein des grandes écoles ou dans le monde organisationnel (équicoaching), et d’autre part, comme notre médecin de l’âme à travers l’équithérapie.

Mais le cheval dispose de nombreuses autres vertus. Par exemple, nous lui avons attribué des qualités de sourceur d’eau comme le cheval blanc de Charlemagne creusant une source pour désaltérer les soldats en campagne ou encore la jument de Bertrand Du Guesclin découvrant les eaux de la Roche-Posay. Le mythe le plus ancien est celui de Pégase faisant jaillir la source Hippocrène, le cheval sourcier du dieu Balderselon.

Ainsi, nous voyons comment depuis la Grèce antique aux figures politiques militaires (défilé du 14 juillet par la Garde Républicaine en France), en passant par les peuples nomades, le cheval occupe une place centrale dans nos sociétés.

Véritable compagnon de l’homme, certains peuples lui attribuent le rôle d’oracle ou de devin. Dans une vision chamanique, il serait perçu comme un intermédiaire entre les dieux, les hommes et l’autre monde.

Le cheval, chargé de symboles, est considéré comme l’animal le plus mystique pour l’homme et face à toutes ces vertus qui lui sont attribuées semble avoir un temps d’avance dans son évolution par rapport à l’homme. Tout simplement, peut-être, parce que le cheval est apparu sur terre, il y a quelque 60 millions d’années avant l’apparition de l’homme Homo erectus. La domestication du cheval remonte à, il y a seulement, 5 000 à 6 000 ans par les peuples nomades de la steppe eurasienne (mer Caspienne et mer Noire). Ceux sont Darwin et Wallace qui furent les premiers à exposer leur théorie selon laquelle les animaux (dont les hommes) ont pu évoluer et survivre sur plusieurs millions d’années grâce à leurs facultés d’adaptation face à un environnement perpétuellement changeant.

Darwin développa alors son concept de « survie du plus apte ». Ainsi, selon la Genèse, à travers la loi de la sélection naturelle, les chevaux auraient traversé des millénaires d’années, en s’adaptant à l’évolution de l’environnement dans une logique de survie.

Ainsi, à travers cette diachronie, le cheval fait l’objet de nombreux symboles aux yeux de l’homme lui attribuant un statut social et un lien si particuliers.

Henri Gouggaud[3] perçoit que « depuis toujours, des liens robustes, profonds, inaltérables, attachent l’homme à sa monture. »

Pour Carl Gustav Jung[4], la relation entre le cavalier et sa monture est une relation d’intimité. Dans Métamorphoses de l’âme et ses symboles, il soutient que le « cheval semble représenter l’idée de l’homme avec la sphère instinctuelle à lui soumise […] les légendes lui attribuent des caractères qui reviennent psychologiquement à l’inconscient de l’homme : [ils] sont doués de clairvoyance […] ils guident les égarés […] ils ont des facultés mantiques [ils voient] aussi les fantômes. »

Jean Chevalier et Alain Gheerbrant[5] caricaturent une symbolique du cheval bien plus forte : « ses pouvoirs dépassent l’entendement ; il est donc Merveille et il ne faut pas s’étonner que l’homme l’ait si souvent sacralisé, de la préhistoire à l’histoire. Un seul animal le dépasse peut-être en subtilité dans le bestiaire symbolique de tous les peuples : le serpent. »

Dans nos temps modernes, le cheval renvoie à une symbolique très bénéfique. D’ailleurs, les marques actuelles (essentiellement du luxe) dans les organisations, aiment se servir de son image afin de créer des émotions et fédérer le plus grand nombre. « Le cheval serait-il un vecteur efficace pour vendre ? De toute évidence, puisque ses apparitions dans la publicité, tant au cinéma que dans les magazines, sont nombreuses. Et non sans raison. Au-delà d’une question d’esthétique, le cheval porte sur son dos une symbolique forte et ambivalente, alliant la puissance et la grâce, la vitesse et la féminité… Producteur de double sens, le cheval est aussi fédérateur. Avec lui, il n’est pas question de problème de race, de religion ou plus généralement de civilisation. C’est le consensus assuré, et les spécialistes de la communication ne s’y trompent pas. Comme le souligne Olivier Domerc rédacteur en chef de « Culture Pub » sur M6 : « contrairement aux chiens et aux chats, le cheval permet de tout vendre. Peu d’animaux ont cette image de « passeur » à la fois forte et universelle. » Catherine Bastides-Coste)

Linterview, ci-dessus, de Catherine Bastides-Coste[6] est très révélatrice et nous permet de légitimer la place que nous attribuons au cheval dans notre société actuelle. Tantôt « objet » de désirabilité sociale, tantôt maître-enseignant, le cheval semble avoir institué son propre courant philosophique. A travers l’ensemble de ces représentations et l’histoire, nous comprenons comment l’homme place le cheval (dans une image symbolique) comme son égal et lui concède toute légitimité dans l’art de la sagesse. Le cheval serait donc un vecteur puissant de lien social.

 

DES ORGANISATIONS ET DES CHEVAUX

Depuis quelques années en France, une prise de conscience collective semble s’opérer face à la nécessité de diriger les organisations en accompagnant davantage les salariés au quotidien. Les directeurs des ressources humaines d’une part, dans une démarche curative (l’anticipation des risques psychosociaux : stress, dépression, surmenage, harcèlement, relation conflictuelle) et d’autre part, dans une démarche préventive (attirer, motiver et fidéliser les meilleurs talents) s’interrogent sur la qualité de vie au travail et hors travail de ses salariés. Ces actions en résultent d’une recherche de performance organisationnelle et d’optimisation de l’image de marque. Il s’agit d’un cercle vertueux où l’entreprise est l’élément moteur mais également le bénéficiaire de ce bien-être et donc de cet engagement au travail. Les logiques hiérarchiques s’effacent progressivement laissant place à une vision plus holacratique. Dans ces nouveaux modes de fonctionnement, les compétences cognitives et les savoir-faire techniques sont considérés comme des compétences acquises.

Cependant, aujourd’hui, les rapports entre les individus, dans les entreprises, sont de plus en plus challengés. L’évaluation des « soft skills » apparait comme l’élément fondamental à la réussite d’un process de recrutement.

Daniel Goleman[7] détermine, également, l’impact que peuvent avoir nos émotions sur nos actions. De plus, il met en exergue que « nous possédons deux esprits : l’un pense, l’autre ressent. […] Le premier, l’esprit rationnel, est le mode de compréhension dont nous sommes en général plus conscients : pondéré, réfléchi, faisant sentir sa présence. Mais il existe un autre système de connaissance, impulsif, puissant, parfois illogique : l’esprit émotionnel. […] La dichotomie émotionnel/rationnel correspond en gros à la distinction entre le cœur et la tête. » C’est ainsi, qu’il est intéressant de mesurer l’importance des émotions dans le monde organisationnel. Comme le souligne Daniel Goleman, « quand on sent au fond de son cœur qu’une chose est vraie, elle relève d’un degré de conviction différent, presque plus profond, de celui que nous procure l’esprit rationnel. »

Il appuie ses affirmations grâce aux nombreux travaux de LeDoux qui mettent en évidence le rôle du trajet neuronal court-circuitant le néocortex. « Les sensations qui empruntent la voie directe par l’amygdale sont parmi les plus primitives et les plus intenses ; l’existence de ce circuit explique en grande partie comment les émotions parviennent à vaincre la raison. »

C’est en cela qu’un médiateur à quatre pattes (le cheval), être doté d’une intelligence émotionnelle très marquée, par son statut de proie à l’état sauvage, passe les portes de l’entreprise et des grandes écoles de commerce : C’est l’équi-coaching ou le coaching avec l’assistance des chevaux. Ce média cheval permet de comprendre comment se combinent, de manière « dialogique », les savoirs rationnels et la subjectivité émotionnelle chez les stagiaires ou candidats. Le concept dialogique entre les connaissances rationnelles et les émotions est développé par le sociologue Edgar Morin[8], qui « qualifie une relation indissociable entre deux éléments qui sont à la fois antagonistes et complémentaires. Cette combinaison de la raison et des émotions guide nos choix personnels dans un laps de temps plus ou moins court et contraint : c’est ce que nous appelons les processus subjectifs. »

En effet, si nous avons utilisé pendant de nombreuses années, le cheval comme un simple outil de labour, notre relation à lui semble, ces dernières années, avoir été élevé à un niveau bien supérieur en devenant notre médiateur dans le monde organisationnel. Agissant comme un puissant révélateur de nos émotions, il accompagne l’entreprise à des enjeux de réussite professionnelle, à travers le développement de deux qualités devenues essentielles : le développement du leadership et l’adaptation au changement.

De manière plus récente encore, le cheval s’invite au programme des grandes écoles (l’école de management de Grenoble est la pionnière en la matière) afin d’apprendre aux étudiants le leadership, en sortant du schéma scolaire théorique, par le jeu de mise en situation avec l’aide du cheval.

Ces nouvelles méthodes nous confirment un renouveau dans les méthodes de management basé sur la valorisation de l’intelligence émotionnelle.

 

En tant que spécialiste du recrutement et passionnée par l’analyse du comportement équin, et bien qu’ayant très peu d’études empiriques sur le sujet à ce jour, je suis intimement convaincue de la pertinence du dispositif « cheval » dans une démarche de recrutement.

 

Recruter par le prisme du cheval serait une approche innovante de recrutement permettant de révéler efficacement, à travers une communication non verbale, les aptitudes émotionnelles des talents, de créer un lien fort et unique, et de fait, renvoie une image de marque employeur extrêmement positive.

 

Animal grégaire, le cheval nous permet de valoriser des compétences comportementales, dans les organisations, jusque-là délaissées au profit de la technique, et qui deviendraient un prérequis indispensable : qualités relationnelles, empathie, créativité, confiance en soi, goût du risque, esprit d’équipe, leadership.

 

Daniel Goleman, à travers les travaux de Solvey et Gardner, classifie l’intelligence émotionnelle selon cinq domaines principaux : La connaissance des émotions (la conscience de soi), la maîtrise de ses émotions (la capacité d’adapter ses sentiments à chaque situation), l’automotivation (canaliser ses émotions pour se concentrer, se maîtriser et s’automotiver), la perception des émotions d’autrui (l’empathie), la maîtrise des relations humaines (savoir entretenir de bonnes relations avec les autres).

 

C’est à travers cette grille de lecture que nous souhaitons vous proposer une nouvelle approche pour recruter de façon plus authentique et congruente aux valeurs communes candidat-entreprise : l’équirecrutement.

RECRUTEMENT ET SYNERGOLOGIE PAR LE PRISME DU CHEVAL

 

Selon Gregory Bateson[9], le co-fondateur de l’école Palo-Alto, « tout comportement est communication ». Ainsi, la communication se présente sous deux aspects : le contenu (digital) et la relation (analogique). La communication analogique est une communication non verbale. Selon Bateson, il faut y englober « posture, gestuelle, mimique, inflexions de la voix, succession, rythme et intonation des mots, et toute autre manifestation non-verbale dont est susceptible l’organisme, ainsi que les indices ayant valeur de communication qui ne manquent jamais dans tout contexte qui est le théâtre d’une interaction. »

 

C’est précisément la communication analogique qui nous intéresse dans une démarche de recrutement avec l’aide du cheval. Et plus particulièrement, dans un process comme celui-ci, c’est précisément l’analyse du comportement du cheval que nous analysons.

 

Le cheval réagit comme un effet miroir à nos comportements. Il entre en résonnance face notre « moi authentique ». Hélène Dufau et Bernard Piazza[10] nous précisent que : « pour qui connaît les relations entre l’homme et le cheval, il y a finalement une dimension très logique dans l’emploi de ces dernières pour cerner des qualités de l’homme que l’on va faire agir en milieu de travail, et pour déceler certaines attitudes intérieures, pour lesquelles le cheval pourra servir de détecteur « sincère » et non ambigu, pour peu que l’on exploite certaines de ses caractéristiques comportementales ».

 

Par ailleurs, ils nous indiquent que : « Le cheval est une proie, dont les préoccupations majeures, outre celle de se nourrir, sont de fuir tout ce qui peut représenter un danger pour lui. Pour reprendre Pat Parelli[11], le cheval recherche essentiellement la sécurité, le confort, le jeu. Son caractère grégaire n’en fait pas un fuyard solitaire, mais bien au contraire un être sociable qui compte sur le groupe et sur ses leaders pour assurer sa sauvegarde. »

 

Ainsi, à travers une démarche de recrutement avec l’assistance des chevaux, les attitudes et comportements des chevaux traduisent objectivement les compétences personnelles des individus.

 

Les mises en situation et les enseignements du horse-coaching sont, par conséquent, transférables à d’autres contextes. Ils sont particulièrement intéressants dans une démarche organisationnelle (formation, recrutement, développement personnel).

Selon Hélène Dufau et Bernard Piaza, « le cheval va se rapprocher d’un humain si celui-ci manifeste, par son attitude et ses comportements, des qualités de leadership, ou se montrer dominateur face à un humain qui doute de la légitimité de l’exercice de son autorité. Il va également fuir un « dictateur » ou douter d’un instable. En outre, le mental « nature » du cheval lui confère une sincérité de réaction sur laquelle on peut également compter. Pour lui, pas de dissimulation, de réactions ambiguës, ou calculées, pas d’arrière-pensées. » La réaction du cheval est authentique. Soucieux uniquement de son confort et de sa sécurité, il n’est pas influencé par le jeu de règles sociales humaines : il ne tient pas compte du grade, des diplômes, du statut social, de l’intelligence, de la réussite professionnelle, de la richesse de la personne en question.

 

En cela, Linda Kohanov[12], auteure du livre le Tao du cheval et du centre Epona en Arizona en équithérapie, nous précise que « Les chevaux répondent facilement à cette manière d’agir et donnent alors un feedback constant. Ces animaux ne sont aucunement intéressés à maintenir un paradigme de contraintes. Ils ne peuvent pas être corrompus par des biens matériels. Ils ne peuvent pas être distraits par de douces paroles et des promesses. Ils voient immédiatement la plus petite parcelle d’incohérence dans les émotions ou les intentions. Dans des activités dirigées par des humains, ces animaux ne sont centrés que dans la mesure où le cavalier l’est aussi. Les chevaux sont des formateurs accomplis de leaders humains. »

 

Dans un process de recrutement, les chevaux seraient donc des indicateurs ayant une véritable validité prédictive comme instrument de mesure des « soft skills », du quotient émotionnel d’un stagiaire. Dans cette approche, le cheval démontre toute sa pertinence dans un process de recrutement sur des postes où les compétences relationnelles et/ou managériales constituent les éléments fondamentaux, du type : membres des comités exécutifs, de direction, les profils managériaux et commerciaux

Ici, le média cheval nous amène à prendre conscience de certains schémas de comportements inconscients en développant la confiance en soi, la gestion du stress, l’estime de soi permettant d’améliorer ses relations aux autres. Il sera difficile de contraindre un animal de plus de 500 kilos à faire quelque chose. L’intérêt à utiliser le cheval parait bien plus fort que la symbolique qu’il peut représenter à travers les mythes fondateurs, cinématographiques.

 

Selon Linda Kohanov, la conscience équine repose sur une conscience « socio-sensuelle » s’appuyant sur une théorie développée par l’anthropologue E. Richard Sorenso au sein de l’université de Stanford.

Cette théorie s’appuie sur une distinction entre deux mentalités humaines différentes : la conscience de l’avant conquête caractérisée par le mental des peuples indigènes, et la conscience d’après la conquête caractérisée par le rationalisme moderne. D’une part, les cultures tribales sont formées avec une sensualité luxuriante, et les individus sont éduqués avec de nombreux contacts corporels. Il observe que ces peuples sont très sensibles aux changements de respiration et aux tensions musculaires pour repérer les changements d’humeur. Sorenson appelle cela «la conscience socio-sensuelle ». D’autre part, il indique que la conscience « post-conquête » se révèle conflictuelle et incohérente émotionnellement. Dans cette mentalité, l’émotion vraie est contenue. Seules, les expériences sont considérées comme valables. Linda Kohanov nous précise que « La capacité à mentir, tant à soi-même qu’aux autres, appartient essentiellement à la conscience post-conquête. Alors que les animaux feindront occasionnellement une blessure pour tenir un prédateur à l’écart de leurs petits, leur capacité à tromper est limitée pour une raison significative : ils ne peuvent pas parler. Le mensonge est presque toujours basé sur le langage. »

A travers cette analyse, nous percevons le poids et la pertinence de la communication non-verbale dans un process de recrutement afin de revenir à une démarche congruente et authentique qui semble si importante aux nouvelles générations en recherche de sens (au détriment du langage verbal lors d’un entretien apparaissant parfois comme une duperie).

 

Par ailleurs, nous observons que les chevaux font instantanément page blanche puisqu’ils vivent dans le moment présent.

 

Ainsi, nous pouvons recommencer plusieurs fois le même exercice. Il est donc très intéressant de recruter avec cet animal car comme le souligne Linda Kohanov, « Les chevaux demandent de l’authenticité à chaque instant. Pour y arriver, les cavaliers doivent développer un état mental alerte et cependant méditatif, une approche créative de la résolution des problèmes et une capacité à fixer un but à long terme sans montrer d’impatience face à un défi ni d’attachement à des préjugés sur la manière d’atteindre cet objectif. Les chevaux réagissent à l’intégrité personnelle, au leadership réfléchi, à l’équilibre physique et mental, à la cohérence émotionnelle, à la flexibilité, à la réceptivité, à la clarté des intentions et à la gestion subtile de l’énergie. Ils récompensent leur cavalier, même pour la plus infime des approximations concernant ces vertus, par une attention accrue, la coopération et l’affection, en agissant comme un baromètre infaillible dans le travail du développement des personnes. »

 

Au final, nous retenons que, dans un process de recrutement, le langage verbal paraît très souvent biaisé en faveur du langage non verbal qui lui semble authentique. C’est grâce à la lecture du média cheval, par son pouvoir de réflexivité vis-à-vis de l’autre, que nous pouvons révéler, de manière objective, le discours par le biais (du média) du corps du candidat.

 

Un exercice d’équirecrutement se réalise par une série d’exercices seul face au cheval ou à plusieurs. Muni d’un simple licol, le cheval évolue, en liberté, dans une carrière. En face de lui, un individu, parfois désemparé ou intrigué, marche dans le sable. Il tente d’établir une connexion, un lien avec le cheval. En retrait, un coach est spectateur de la scène. Il oriente parfois, ou encore donne quelques explications.

 

Mais ici, ce qui compte, c’est la relation homme-cheval et l’observation du comportement du cheval.  En fonction des attentes comportementales d’un poste donné, nous pouvons mettre en place toute une série d’exercices différents, à faire seul ou en groupe. Ces exercices peuvent être croisés et corrélés en tenant compte des personnalités de chacun des chevaux. A travers les chevaux, nous pouvons, par analogie, reproduire et comprendre certaines situations vécues dans un contexte organisationnel.

 

Dans le même concept que les assesment centers analysant un candidat dans une mise en situation professionnelle, l’équirecrutement est une mise en situation dans un environnement hors cadre urbain professionnel permettant d’observer la dimension humaine et émotionnelle d’un candidat.

 

 

Le leadership

 

L’équicoaching permet de mettre en évidence, la confiance et la maitrise de soi, la maitrise émotionnelle. Les chevaux forgent un caractère. Dans cette discipline, le leadership consiste à convaincre le cheval à faire quelque chose par l’intermédiaire de son autorité naturelle. Nous ne pouvons pas mener les chevaux par la violence et la soumission. Cela se traduit, par une action énergique, la mise en place d’actions stratégiques, la pugnacité, le contrôle des émotions négatives, l’optimisme.

 

Ulrike Dietmann[13], souligne que « Les dirigeants d’autrefois apprenaient leur métier de dirigeant par le biais des chevaux. Le cheval porte l’empereur […] le dirigeant véritable est-il un homme de cheval, un horseman ? »

 

Selon Hélène Dufau et Bernard Piazza, « le leadership se fonde par conséquent sur une intégration harmonieuse des réactions physiques et du contrôle émotionnel et mental. […]  « De fait, ce n’est plus la partie réflexive et intellectuelle de l’humain qui se trouve mise à contribution dans ce processus, mais la partie émotionnelle et affective de l’individu (dimension du plaisir, de l’angoisse, de la colère, de l’amour et de la haine), gérée par le cerveau limbique, avec laquelle le cheval, entre en résonance. Et celui-ci est à cet égard un partenaire expert à lire les émotions à travers les plus petits comportements sensori-moteurs de ses vis-à-vis, c’est-à-dire les mouvements corporels ou de physionomie. »

 

Dans cette démarche, le mouvement et la relation homme-cheval prennent tout leur sens dans l’observation et le développement du leadership. En 2000, lors de la cérémonie de l’Académie de management, Henry Mintzberg[14], professeur de management à McGill University, déclarait non sans raison, « qu’il est impossible de créer des leaders dans une salle de classe ». L’approche théorique du leadership est une vision passive et rationaliste alors qu’en réalité, développer son leadership est le fruit d’expériences et de mises en situation. N’en serait-il pas autant dans l’analyse du leadership dans un process de recrutement ? « Lorsqu’un évènement rencontre nos sens, plus l’expérience est nouvelle ou insolite, plus les signaux envoyés à notre cerveau sont puissants. Plus le signal est fort, plus l’évènement sera ancré dans notre mémoire à long terme. Quels sont les facteurs déterminants de la puissance du signal ? Il faut considérer jusqu’à quel point nous estimons cet évènement nouveau, insolite, inhabituel, imprévisible, peu commun. C’est parce que nos sens sont préoccupés par une nouvelle expérience, que la nouvelle combinaison d’informations sensorielles repousse les limites de nombre cerveau d’innombrables nouvelles données. »

 

Le contrôle émotionnel

 

Le contrôle émotionnel est la capacité à surmonter des émotions négatives telles que la peur, la colère ou la frustration. Nous sommes, ici, dans un contexte de communication non verbale où le stagiaire (candidat) se confronte à un partenaire équin ultrasensible. Sa réaction sera sincère et instantanée. Chaque micromouvement est analysé par le cheval ce qui fait de lui un expert de la communication non-verbale.

 

Dans cette approche, Hélène Duffau et Bernard Piazza[15] précisent, que les stagiaires les plus efficaces sont ceux qui sont : « capables d’être le plus doux possible et, s’il faut, aussi fermes que nécessaire, capables d’agir ici et maintenant ; capables de se situer par rapport au cheval à des niveaux différents (c’est-à-dire en adaptant sa psychologie et son comportement à celui de leur vis-à-vis. C’est-à-dire en « se pensant et en agissant cheval » ; capables de mettre en œuvre des qualités d’observation et d’analyse des comportements d’autrui, puis d’eux-mêmes. »

 

Le contrôle du mental

 

Le contrôle du mental, c’est la capacité d’auto-évaluation en toute sérénité, tout en affirmant sa demande de manière déterminée. Selon Pat Parelli[16], il faut être « naturel, progressif et positif » dans sa demande au cheval. Il faut « faire preuve de persévérance polie dans l’attitude convenable » dans une logique de détermination douce et bienveillante.

 

Hélène Duffau et Bernard Piazza remarquent, de façon pertinente, qu’il s’agit d’une « relation tripartite (entre la personne en situation, le cheval – ou le groupe de chevaux-, le milieu matériel et humain, le site et l’animateur) qui mettent en œuvre, ainsi que l’ont défini Mucchielli, Corbalan et Ferrandez, le processus de contextualisation spatial, physique et sensoriel, du positionnement et de structuration des relations, du temps. »

 

Dans l’équirecrutement, novices et cavaliers professionnels sont sur un pied d’égalité puisque c’est précisément le comportement du cheval qui est ici observé face à un ressenti émotionnel. Il ne s’agit pas d’analyser la compétence technique d’un cavalier.

 

C’est le côté expérientiel qui est intéressant dans cette démarche, il s’agit de scenarii de mises en situation afin d’observer les softs skills : c’est son côté insolite et imprévisible qui nous intéresse.

 

D’autre part, l’aspect ludique en fait sa force. Cependant, comme le souligne le psychologue Ronit Kark, il s’agit d’une approche pertinente, mais qui mérite davantage d’études empiriques aussi dans la traduction du comportement du cheval en réponse à un candidat et dans les formes de jeux permettant l’observation.

 

Ainsi, l’interaction avec les chevaux est une approche très intéressante permettant de dévoiler les modes et les traits de communication des candidats, c’est-à-dire le savoir-être si difficile à évoluer dans un contexte de recrutement traditionnel.

 

Or, nous savons que le force des vrais leaders se révèle dans l’expression des micro-signaux que nous émettons dont nous avons, en partie, perdu leur lecture.

 

Le cheval est là pour nous aider, à travers une expérience sensorielle, à communiquer le niveau d’énergie, d’intention et de nos émotions déployées par le biais de notre attitude corporelle.

L’utilisation des chevaux, comme médiateur pédagogique ou de recrutement, connait une popularité exponentielle.

 

Cependant, à ce jour, nous ne sommes pas en mesure de pouvoir démontrer scientifiquement l’efficacité d’une telle méthode. Malgré tout, la démarche permet d’aborder le recrutement selon une perception nouvelle.

 

Considéré comme un des outils d’aide à la décision utile à une démarche de recrutement, l’équirecrutement casse les codes du recrutement. Réalisé dans un contexte hors cadre professionnel urbain, recruter selon le prisme du cheval renvoie une vision haut de gamme et qualitative de la marque employeur traduisant ainsi des valeurs spécifiques comme l’authenticité, la transparence, le courage managérial, etcetera.

 

D’autre part, les avantages de la méthode d’équirecrutement sont nombreux. En premier lieu, il permet de créer un lien unique et fort entre les candidats et l’entreprise (marque employeur). En effet, se rencontrer dans un manège aux côtés d’un cheval rend la rencontre insolite par rapport à une rencontre dans une salle d’entretien d’un cabinet parisien.

 

Le média cheval permet de proposer un recrutement authentique et de s’ouvrir à de nouveaux profils. Ici, c’est la démarche expérientielle qui compte. Le curriculum vitae n’a aucun intérêt dans une approche comme l’équirecrutement. Le cheval est un détecteur sincère et non ambigu. Il permet de lutter contre certains biais comme le « recrutement de clones », c’est-à-dire, recruter des profils qui nous ressemble (même formation, même expérience, etcetera).

 

Recruter par le média cheval permet d’affiner un processus de sélection (ou de mobilité interne) de façon justifiée et motivée. Dans ce cas de figure, la méthode permet de confirmer ou infirmer une prise de décision qui peut, par exemple, être corrélée au passage de questionnaires de personnalité ayant une forte validité prédictive (comme le PAPI). Les résultats de cette mise en situation avec le cheval et les résultats du questionnaire de personnalité permettent d’identifier, en amont, les forces et les axes d’amélioration des candidats afin d’agir en conséquence et les accompagner lors de leur période d’intégration.

 

L’équirecrutement, par la mise en pratique d’exercices sur-mesure, s’inscrit dans une démarche au sein des activités d’équicoaching. Elle favorise le courage managérial, commercial et organisationnel en observant et donnant les clés (coaching) pour favoriser le leadership, la communication et de fait, conduire le changement.

 

Ainsi, naturellement, au-delà de la symbolique positive du cheval, l’équirecrutement renforce une image positive de marque employeur innovante, congruente et intelligente (intelligence émotionnelle).

 

Cependant, l’application d’une telle méthode connaît beaucoup de barrières dans son application dans le monde organisationnel. Encore à ce jour, malgré le développement fulgurant et reconnu de l’équithérapie, l’équirecrutement et, au sens large, l’équicoaching rencontre beaucoup de difficultés à démontrer sa véritable valeur ajoutée. Aujourd’hui, beaucoup de freins notamment liés au prix ou encore dans la perception loufoque de cette démarche freine son développement.

 

A travers une telle démarche, rappelons que le but ultime est de recruter et de créer du lien entre le candidat et l’entreprise afin d’instaurer une vision et des valeurs communes.

Si l’équicoaching permet de renouer des liens et faire ressortir les valeurs de l’entreprise, à travers une prise de conscience, l’équirecrutement permet de les créer.

Cette approche s’inscrirait alors dans une démarche préventive (respect, confiance, leadership) d’optimisation de la performance organisationnelle par le prisme de l’expérientiel émotionnel.

Marion Roca

 

 

 

[1] L’intelligence émotionnelle, Tome 1, Accepter ses émotions pour développer une intelligence nouvelle, Daniel Goleman, Bien-être, J’ai lu, avril 2003

[2] « Le cheval à la rescousse de la formation des leaders », L’Expansion Management Review 2012/3 (N° 146), Nancy Armstrong, Patricia Théréné

[3] Henri Gougaud, Les Animaux magiques de notre univers, Solar, mars 1973, 192p.

[4] Carl Gustav Jung, Métamorphose de l’âme et ses symboles, Georg, 1993

[5] Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, « Cheval », dans Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont et Jupiter, 1969, p.222-232

[6] Catherine Bastides-Coste, « Le cheval, fils de pub », Cheval magazine, n°397, décembre 2004

[7] L’intelligence émotionnelle, Tome 1, Accepter ses émotions pour développer une intelligence nouvelle, Daniel Goleman, Bien-être, J’ai lu, avril 2003

 

[8] « Leaders, écoutez ce que vous murmurent les chevaux… », Entreprendre & Innover 2016/2 (n°29) Toutain Olivier, Ballereau Valérie, Blache Julien, p49-59 

[9] http://silence-on-recrute.over-blog.com/article-petite-histoire-de-l-etude-du-non-verbal-76714398.html

[10] « Le cheval au service de la communication et de l’efficacité des hommes dans les organisations », Communication et organisation, 23|2003, mis en ligne le 27 mars 2012, Hélène Dufau et Bernard Piazza

[11] Pat Parelli, Natural Horsemanship, Western Horseman Book, Colorado Springs, CO, 1993

[12] Le Tao du cheval, Guérison et transformation par la voie du cheval, Linda Kohanov, Edition Le courrier du livre, 10 juin 2014

[13] Le cheval guérisseur de l’homme, une quête de soi en 11 étapes avec le cheval pour guide, Ulrike Dietmann, préface de Linda Kohanov, Edition Le courrier du livre, paru en août 2012

[14] J.Dispenza, Evolve Your Brain : The Science of Changing Your Mind, Health Communications, 2008

[15] « Le cheval au service de la communication et de l’efficacité des hommes dans les organisations », Communication et organisation, 23|2003, mis en ligne le 27 mars 2012, Hélène Dufau et Bernard Piazza

[16] Pat Parelli, Natural Horsemanship, Western Horseman Book, Colorado Springs, CO, 1993